Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/310

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il le dit à la princesse Marie, et entra chez le prince. Il arrivait que ce matin de sa fête, le vieux prince était dans un de ses plus mauvais jours. Toute la matinée il avait parcouru la maison en grondant tout le monde et en feignant de ne pas comprendre ce qu’on lui disait et de n’être pas compris. La princesse Marie connaissait parfaitement cet état d’esprit aigre-doux, d’où, ordinairement, éclatait un élan de fureur, et elle marchait toute cette matinée comme devant un fusil chargé dont la gâchette est soulevée, attendant le coup inévitable. Le matin, avant l’arrivée du docteur, tout alla bien. Après avoir introduit le docteur, la princesse Marie s’assit avec un livre au salon, près de la porte, d’où elle pouvait entendre tout ce qui se passait dans le cabinet.

D’abord elle n’entendit que la voix de Métivier, après celle de son père, ensuite les deux voix qui parlaient ensemble. La porte s’ouvrit et sur le seuil parurent, le beau Métivier à la chevelure noire, le visage effrayé, et le prince, en bonnet et robe de chambre, le visage déformé par la fureur, et les yeux baissés.

— Tu ne comprends pas ! et moi je comprends ! s’écriait le prince. Un espion français ! Un esclave de Bonaparte ! Un espion ! Hors de ma maison ! Sortez !

Et il claqua la porte.

Métivier, en haussant les épaules, s’approcha de