Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/370

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Dolokhov qui, cette année, était réapparu à Moscou après un séjour et des aventures en Perse, et qui menait la vie luxueuse du jeu et de la débauche, se rapprocha de son vieux camarade Kouraguine et profita de lui pour ses débuts.

Anatole aimait sincèrement Dolokhov pour son esprit et sa bravoure. Dolokhov avait besoin du nom et des relations d’Anatole Kouraguine pour attirer dans sa société de jeu les jeunes gens riches, et, sans le lui faire sentir, il profitait et s’amusait de Kouraguine. Outre le calcul d’après lequel Anatole lui était nécessaire, le fait même de diriger la volonté d’un autre était le plaisir habituel de Dolokhov et un besoin pour lui.

Natacha avait fortement impressionné Kouraguine. Pendant le souper, après le spectacle, en grand connaisseur, il examina devant Dolokhov les qualités de ses bras, de ses épaules, de ses pieds, de ses cheveux et déclara son intention de lui faire la cour. Qu’en pourrait-il advenir ! Anatole ne pouvait y penser ni le prévoir, ne sachant jamais ce qu’il adviendrait de ses actes.

— Elle est belle, mon cher, mais pas pour nous, dit Dolokhov.

— Je demanderai à ma sœur qu’elle l’invite à dîner, hein ? dit Anatole.

— Attends plutôt qu’elle soit mariée…

— Tu sais, j’adore les petites filles ; elle se perdra tout de suite, dit Anatole.