Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/388

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l’air mystérieux, entrait dans la chambre : un homme m’a ordonné de vous remettre ceci, elle tendit une lettre. Seulement au nom du Christ, comtesse… continua-t-elle pendant que Natacha, sans y penser, d’un mouvement inconscient ouvrait le cachet et lisait la lettre d’amour d’Anatole où elle ne comprenait rien, sauf que la lettre était de lui, de l’homme qu’elle aimait. Oui, elle l’aimait, autrement ce qui était arrivé aurait-il pu arriver ? Cette lettre d’amour de lui pourrait-elle se trouver dans ses mains ?

Natacha tenait dans ses mains tremblantes cette lettre passionnée que Dolokhov avait écrite pour Anatole, et, en la lisant, elle y trouvait l’écho de tout ce qu’elle croyait sentir en elle.

La lettre commençait par ces mots :

« Depuis hier mon sort est décidé ! Être aimé de vous ou mourir, je n’ai pas d’autre issue. » Il écrivait ensuite qu’il savait que ses parents ne la lui donneraient pas vu certaines causes mystérieuses, qu’il ne pouvait expliquer qu’à elle seule, mais que, si elle l’aimait, qu’elle dise ce mot : oui, et aucune force humaine n’empêcherait leur bonheur ; l’amour vaincrait tout. Il l’enlèverait et l’emmènerait au bout du monde. »

— « Oui, oui, je l’aime ! » pensait Natacha en relisant cette lettre pour la vingtième fois, et cherchant en chaque mot, un sens particulier, profond.