Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accueillirent le discours de Pierre avec une froideur qui l’étonna. Le grand-maître commença à contredire Pierre. Celui-ci, avec une ardeur de plus en plus grande, se mit à développer ses idées. Depuis longtemps il n’y avait eu séance si orageuse. Des partis se formèrent. Les uns accusaient Pierre d’être un illuminé, les autres le soutenaient. Pierre, pour la première fois, était frappé à cette assemblée de la diversité infinie des esprits humains, qui fait qu’une vérité ne se présente pas sous le même aspect à deux personnes différentes. Même ceux des membres qui semblaient être de son côté le comprenaient à leur manière, avec des restrictions, des changements auxquels il ne pouvait souscrire, puisque son objectif principal était précisément de transmettre ses idées à un autre, de la même façon qu’il les comprenait lui-même.

À la fin de la séance, le grand-maître, avec malveillance et ironie, fit une observation à Bezoukhov sur son ardeur, disant que ce n’était pas le seul amour de la vertu, mais l’entraînement de la lutte qui le guidait dans la discussion. Pierre ne lui répondit pas et demanda sèchement si sa proposition était acceptée. Sur la réponse négative, Pierre, sans attendre les formalités ordinaires, sortit de la loge, et rentra chez lui.