les autres, mais je décidai de ne plus recopier. Dans mon poème, je félicitais grand’mère, je lui souhaitais une longue vie et une bonne santé, et je concluais ainsi :
- Nous nous efforcerons de te consoler,
- Et nous t’aimerons comme notre propre mère.
Je ne trouvais pas cela mauvais, mais le dernier vers sonnait mal à mon oreille.
- Nous t’aimerons comme notre propre mère,
répétais-je à mi-voix, quelle autre rime prendre en place de mère ? Jouer ? lit ?…[1] Bah ! ça ira, c’est encore mieux que les vers de Karl Ivanovitch.
J’écrivis le dernier vers. Puis, dans la chambre à coucher, je lus à haute voix toute ma poésie, en y mettant l’expression et les gestes. Quelques vers n’avaient aucune mesure, mais je ne m’y arrêtai pas. Pourtant le dernier me choqua encore plus désagréablement. Je m’assis sur le lit et me mis à réfléchir…
« Pourquoi ai-je écrit comme notre propre mère ? Puisqu’elle n’est pas ici, il ne fallait donc pas en parler ; il est vrai que j’aime grand’mère, je la respecte, mais… ce n’est pas la même chose, pourquoi ai-je écrit cela, pourquoi ai-je menti ? Sans doute
- ↑ Les mots : jouer, lit, en russe igrat, krovat, riment avec le mot mère, mat.