Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/223

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Quand le carlin commençait à gémir tristement, elle s’efforçait de le tranquilliser en disant : « Assez, assez, je sais sans toi que je mourrai bientôt. »

Un mois avant sa mort, elle sortit de son coffre de la cretonne et de la mousseline blanches, des rubans roses, et avec l’aide d’une servante, elle se fit une robe blanche et un bonnet et prépara, dans les moindres détails, tout ce qui était nécessaire pour ses funérailles. Ensuite elle s’occupa des coffres des maîtres, en fit avec le plus grand soin l’inventaire et le remit à la gérante. Puis, elle fit sortir deux robes de soie, un vieux châle, que jadis lui avait donnés grand’mère, l’uniforme de grand-père brodé d’or et qui était aussi sa propriété. Grâce à ses soins les galons et les broderies de l’uniforme étaient tout à fait frais, et les mites n’avaient pas touché le drap. Avant de mourir elle exprima le désir qu’une de ses robes, la rose, fût donnée à Volodia pour faire une robe de chambre ou un bechmète[1] ; l’autre, la robe puce à carreaux, m’était donnée pour le même usage ; le châle à Lubotchka.

Elle laissait l’uniforme à celui de nous deux qui le premier serait officier. Tout le reste de ce qu’elle possédait et l’argent, sauf quarante roubles destinés aux frais de son enterrement et aux messes, revenait à son frère.

  1. Partie du vêtement de quelques peuplades du Caucase.