Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/356

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tout avec papa, n’ont nullement changé. De la même manière, elle traîne ses mots, lève ses sourcils et dit : « Mon cher. »

Mais depuis quelques jours déjà, on ne nous laisse pas aller chez elle, et, un matin, Saint-Jérôme, pendant la classe, me proposa d’aller me promener avec Lubotchka et Katenka. Étant assis dans le traîneau, je remarquai que devant les fenêtres de grand’mère, la rue était couverte de paille, et que des individus quelconques, en blouse bleue, stationnaient devant notre porte cochère et malgré cela, je ne compris pourquoi on nous envoyait nous promener à cette heure indue.

Ce jour-là, pendant la promenade, moi et Lubotchka, nous nous trouvions, je ne sais pourquoi, dans cette disposition d’esprit particulièrement gaie, où la chose la plus simple, la moindre parole, le moindre mouvement font rire… Un colporteur tenant un éventaire court à pas rapides à travers la rue, nous rions. Un cocher déguenillé, conduisant au galop, agite les extrémités des guides, et rattrape notre traîneau ; nous éclatons de rire. Le fouet de Philippe s’accroche à l’arc du traîneau, lui en se retournant crie : eh ! et nous mourons de rire. Mimi, d’un air mécontent, dit qu’il n’y a que les sots qui rient sans cause, et Lubotchka, toute rouge de l’effort qu’elle fait pour se retenir, me regarde en dessous, nos yeux se rencontrent et nous éclatons d’un tel rire homérique, que des larmes se mon-