Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/81

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cieusement par-dessus le blé, derrière les pattes du cheval : Milka courait en avant, et tournant la tête, attendait qu’on lui jetât quelque chose. Le bruit des conversations des paysans, le piétinement des chevaux et le bruit des chariots, le sifflement gai des cailles, le bourdonnement des insectes volant en l’air en groupes compacts et immobiles, l’odeur de l’absinthe, de la paille, de la sueur des chevaux, les milliers de couleurs diverses et l’ombre que le soleil brûlant jetait sur le champ clair, doré, sur le lointain bleu de la forêt et dans les nuages blanc-bleuâtre ; les blanches toiles d’araignées qui voltigeaient dans l’air et tombaient sur le chemin — je voyais, j’écoutais, je sentais tout cela.

En arrivant à la forêt de Kalinov, nous y trouvâmes déjà le break et, contre toute attente, encore une charrette attelée d’un cheval, dans laquelle était assis le sommelier. Au-dessus du foin, on apercevait : le samovar, une sorbétière, et encore quelques boîtes et paquets très attrayants. Il n’y avait pas à se tromper, c’était le thé en plein air, la glace et les fruits. À la vue de la charrette, nous montrâmes une joie bruyante, parce que prendre le thé dans la forêt, sur l’herbe, et en général dans un endroit où jamais personne n’a pris le thé, comptait comme un très grand plaisir.

Tourka s’approcha de la clairière, s’arrêta, écouta attentivement les ordres détaillés que lui