Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/83

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d’un grand chêne, un endroit plat et couvert d’ombre, je me couchai sur l’herbe, fis asseoir Girane près de moi et attendis. Mais mon imagination, comme il arrive toujours en pareil cas, allait beaucoup au-delà de la réalité : je m’imaginais en être déjà au troisième lièvre, quand, dans la forêt, plus forte et plus animée, le lévrier poussa des cris aigus et de plus en plus fréquents. À cet aboiement s’en ajouta un autre, puis un troisième, un quatrième… les voix, tantôt s’arrêtaient, tantôt s’interrompaient l’une l’autre. Les sons, peu à peu, devinrent plus forts et ininterrompus, et enfin se confondirent en un vacarme sonore. La clairière était très sonore et les lévriers aboyaient de toutes leurs forces.

En entendant cela, je restai immobile à ma place. Les yeux fixés sur l’entrée de la forêt, je souriais stupidement, la sueur coulait à grosses gouttes, qui, glissant sur mon menton, me chatouillaient, mais je ne les essuyais pas. Il me semblait qu’il ne pouvait pas y avoir un moment plus décisif que celui-là. Cette situation, avec une tension aussi forte, était trop peu naturelle pour durer longtemps. Tantôt les lévriers aboyaient à l’entrée même, tantôt ils s’éloignaient de moi, et pas de lièvre. Je commençai à regarder à côté. Le même changement avait lieu chez Girane, au commencement il s’agitait et aboyait, mais ensuite il se coucha près de moi, posa son