Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les savants, affirmaient que les tortures sont une condition nécessaire de la vie des hommes, que c’est pénible, mais indispensable ; la même chose pour le bâton, l’esclavage. Puis le temps a passé, et il nous est maintenant difficile de nous représenter l’état d’esprit des hommes pour qui telle grande erreur était possible. Mais cela fut dans tous les temps, c’est pourquoi cela doit être dans le nôtre, et nous devons être, nous aussi, aveuglés sur nos forfaits. Où sont nos tortures, notre esclavage, nos bâtons ? Il nous semble qu’ils n’existent plus, qu’ils ont existé autrefois, mais que maintenant c’est passé. Cela nous paraît ainsi parce que nous ne voulons pas comprendre les choses d’autrefois, et fermons les yeux avec le plus grand soin. Mais si nous examinons attentivement le passé, nous comprendrons clairement notre situation actuelle et ses causes. Si seulement nous appelons par leur vrai nom les bûchers, la torture, l’échafaud, le recrutement, alors, nous trouverons aussi le vrai nom des prisons, des armées, des procureurs et des gendarmes. Si nous ne disons pas : pourquoi en parler ? mais si nous regardons attentivement ce qui se faisait autrefois, nous verrons et comprendrons ce qui se fait maintenant. S’il est clair pour nous qu’il est insensé et cruel de couper les têtes sur le billot, d’arracher la vérité par les tortures ; alors il sera clair pour nous qu’il est non moins cruel et insensé de pendre des hommes, ou de les enfer-