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Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/329

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nant à elle, elle avait aperçu tout l’univers avec ses joies qu’elle avait oubliées, tout un monde où elle n’avait pas appris à vivre et qu’elle ne comprenait pas. « Pourvu que ce monde ne s’évanouisse pas ! Quand le temps est passé on ne peut plus le faire revenir ! » C’est ainsi, je crois, qu’elle pensait, ou plutôt qu’elle sentait, et elle ne pouvait ni penser ni sentir autrement, ayant été élevée dans cette idée qu’il n’y a dans le monde qu’une chose qui compte — l’amour. En se mariant elle avait connu quelque chose de cet amour, mais c’était encore loin de tout ce qu’elle avait cru lui être réservé, de tout ce qu’elle attendait, que de désillusions, de souffrances, et une torture inattendue, les enfants. Cette torture l’avait exténuée. Or voilà que, grâce aux serviables docteurs, elle avait appris qu’on peut éviter d’avoir des enfants. Cela l’avait rendue joyeuse. Elle avait essayé et elle était ressuscitée pour la seule chose qu’elle admettait, pour l’amour. Mais l’amour avec un mari plein de jalousie et de méchanceté n’était plus ça. Elle se mit à rêver de quelque autre amour pur, nouveau ; du moins le pensais-je ainsi.

Elle se mit à épier autour d’elle comme si elle attendait quelque chose. Je le remarquai et, forcément, en fus inquiet. Maintenant, parlant avec moi par l’intermédiaire de tiers, c’est-à-dire qu’elle causait avec d’autres mais avec l’intention que je l’entende, toujours elle exprimait hardiment et