Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/345

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Malgré cela, et peut-être même à cause de cela, une force obscure, malgré moi, me poussait à être non seulement poli avec lui, mais plus que poli, aimable. Je ne saurais dire si je le faisais pour ma femme, pour lui montrer que je ne le craignais pas ou pour moi, pour me tromper ; mais dès mes premières relations avec lui, je ne pouvais être à mon aise. J’étais obligé, pour ne pas céder au désir de le tuer immédiatement, de le caresser ; je lui versais à boire des vins très chers pendant le souper, je m’enthousiasmais à son jeu ; avec un sourire des plus aimables je lui parlais, et même je l’invitai à dîner pour le dimanche suivant et à faire de la musique. Je lui dis que j’inviterais quelques-unes de mes connaissances, amateurs de musique, pour l’entendre. Et cela se termina ainsi.

Poznidchev, très ému, changea de position et fit entendre son étrange son.

— C’est bizarre comme la présence de cet homme agissait sur moi, reprit-il de nouveau en faisant un effort évident pour paraître calme.

— Deux ou trois jours plus tard, en rentrant chez moi, dans l’antichambre, je sentis subitement, sans pouvoir me rendre compte de ce que c’était, que quelque chose de lourd comme une pierre s’appesantissait sur mon cœur. Voici ce que c’était : en traversant l’antichambre j’avais remarqué quelque chose qui me le rappelait. Je ne m’en