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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/147

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Matvei un ordre auquel il n’entend rien, puis tu sortiras, et il embrouillera tout.

— Dieu merci, pensa Anna, ils sont tout à fait remis ; — et, heureuse d’avoir atteint son but, elle s’approcha de Dolly et l’embrassa.

— Je ne sais pas pourquoi tu nous méprises tant, Matvei et moi ? » dit Stépane Arcadiévitch à sa femme en souriant imperceptiblement.

Pendant toute cette soirée, Dolly fut légèrement ironique envers son mari, et celui-ci heureux et gai, mais dans une juste mesure, et comme s’il eût voulu montrer que le pardon ne lui faisait pas oublier ses torts.

Vers neuf heures et demie, une conversation vive et animée régnait autour de la table à thé, lorsque survint un incident, en apparence fort ordinaire, qui parut étrange à chacun.

On causait d’un de leurs amis communs de Pétersbourg, et Anna s’était vivement levée.

« J’ai son portrait dans mon album, je vais le chercher, et vous montrerai par la même occasion mon petit Serge », ajouta-t-elle avec un sourire de fierté maternelle.

C’était ordinairement vers dix heures qu’elle disait bonsoir à son fils ; bien souvent elle le couchait elle-même avant d’aller au bal ; elle se sentit tout à coup très triste d’être si loin de lui. Elle avait beau parler d’autre chose, sa pensée revenait toujours à son petit Serge aux cheveux frisés, et le désir la prit d’aller regarder son portrait et de lui dire un mot de loin.