Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/15

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est merveilleuse de précision, de large dessin et de couleur et qui a déjà passé comme morceau classique dans beaucoup d’anthologies ; mais les discussions sur le servage et l’affranchissement, sur la routine des paysans, sur la mauvaise volonté du journalier campagnard, sur les justices de paix cantonales et les conseils municipaux ne sont pas sans faire languir un peu l’intérêt.

Cependant, on peut dire encore que l’œuvre serait décidément trop générale, trop universelle, trop humaine, ne serait pas assez marquée, au moins çà et là, comme il convient, d’un caractère national, n’aurait pas de couleur locale, si ces passages ne s’y trouvaient point, et qu’on ne saurait presque point par qui elle est écrite, quelle est la nationalité de son auteur. Et je reconnais, sans y entrer complètement, qu’il y a de la justesse dans cette idée.

Reste que, pour mon goût, Tolstoi, de ces détails de vie d’un gentilhomme campagnard russe, en a peut-être un peu trop mis.

De même, certains personnages paraissent au milieu du roman, comme cette délicieuse Varenka, puis disparaissent sans que l’on n’en entende plus parler le moins du monde, non plus que s’ils n’avaient jamais existé, alors qu’on désirerait fort, pour l’harmonie de la composition générale, qu’ils reparussent, et, seulement pour le plaisir de les contempler à nouveau, les revoir. Un défenseur de l’auteur dira