Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/155

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Il rougit, l’invita avec une certaine hâte ; mais à peine avaient-ils fait les premiers pas, que la musique cessa. Kitty regarda son danseur, son visage était si près du sien… pendant longtemps, — bien des années après, elle ne put se rappeler un regard plein d’amour auquel il ne répondit pas, sans qu’un sentiment de honte lui déchirât le cœur.

— Pardon, pardon ! Valse, valse ! » cria Korsunsky de l’autre côté de la salle, et, s’emparant de la première danseuse venue, il recommença à danser.


CHAPITRE XXIII


Wronsky fit quelques tours de valse avec Kitty, puis celle-ci retourna auprès de sa mère. À peine eut-elle le temps d’échanger quelques mots avec la comtesse Nordstone que Wronsky vint la chercher pour la contredanse. Ils causèrent à bâtons rompus de Korsunsky et de sa femme, que Wronsky dépeignit gaiement comme d’aimables enfants de quarante ans, du théâtre de société qui s’organisait. À un moment donné, cependant, il l’émut vivement en lui demandant si Levine était encore à Moscou, ajoutant qu’il lui plaisait beaucoup. Mais Kitty ne comptait pas sur la contredanse ; ce qu’elle attendait avec un violent battement de cœur, c’était le cotillon ; c’est alors, lui semblait-il, que tout devait se décider. Quoique Wronsky ne l’eût pas invitée pendant la contredanse, elle était sûre de danser le