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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/178

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se fit entendre près de la porte. Il déposa aussitôt ses poids.

C’était l’intendant. Il commença par annoncer que, grâce à Dieu, tout allait bien, puis il avoua que le sarrasin avait brûlé dans le nouveau séchoir. Levine en fut irrité. Ce séchoir, construit, et en partie inventé par lui, n’avait jamais été approuvé par l’intendant, qui annonçait maintenant l’accident avec calme et avec un certain air de triomphe modeste. Levine était persuadé qu’on avait négligé des précautions cent fois recommandées. La mauvaise humeur le prit et il gronda l’intendant. Mais il apprit un événement heureux et important : Pava, la meilleure, la plus belle des vaches, achetée à l’exposition, avait vêlé.

« Kousma, donne ma touloupe ; et vous, faites allumer une lanterne. J’irai la voir », dit-il à l’intendant.

L’étable des vaches de prix se trouvait tout près de la maison ; Levine traversa la cour en longeant les tas de neige accumulée sous les buissons de lilas, s’approcha de l’étable, et en ouvrit la porte à moitié gelée sur ses gonds ; une chaude odeur de fumier s’en exhalait ; les vaches, étonnées de la lumière inattendue des lanternes, se retournèrent sur leurs litières de paille fraîche. La croupe luisante et noire, tachetée de blanc, de la vache hollandaise brilla dans la pénombre ; Berkut, le taureau, l’anneau passé dans les lèvres, voulut se lever, puis changea d’idée et se contenta de souffler bruyamment quand on passa près de lui.