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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/244

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terrible à cause de son sans-gêne. La princesse était assise entre les deux groupes, écoutant ce qui se disait dans l’un ou dans l’autre, et y prenant également intérêt. — Trois personnes m’ont dit aujourd’hui cette même phrase sur Kaulbach. Il faut croire qu’on s’est donné le mot ; et pourquoi cette phrase a-t-elle tant de succès ? »

Cette observation coupa court à la conversation.

« Racontez-nous quelque chose d’amusant, mais qui ne soit pas méchant, — dit l’ambassadrice, qui possédait cet art de la causerie que les Anglais ont surnommé small talk ; elle s’adressait au diplomate.

— On prétend qu’il n’y a rien de plus difficile, la méchanceté seule étant amusante, répondit celui-ci avec un sourire. J’essayerai cependant. Donnez-moi un thème, tout est là. Quand on tient le thème, rien n’est plus aisé que de broder dessus. J’ai souvent pensé que les célèbres causeurs du siècle dernier seraient bien embarrassés maintenant : de nos jours l’esprit est devenu ennuyeux.

— Vous n’êtes pas le premier à le dire », interrompit en riant l’ambassadrice.

La conversation débutait d’une façon trop anodine pour qu’elle pût longtemps continuer sur le même ton, et pour la ranimer il fallut recourir au seul moyen infaillible : la médisance.

« Ne trouvez-vous pas que Toushkewitch a quelque chose de Louis XV ? dit quelqu’un en indi-