Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/363

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et dans la voiture le chapeau noir et les oreilles bien connues d’Alexis Alexandrovitch.

« Voilà qui est fâcheux ! se pourrait-il qu’il vînt pour la nuit ? » pensa-t-elle, et les résultats que pouvait avoir cette visite l’épouvantèrent : sans se donner une minute de réflexion, et sous l’empire de cet esprit de mensonge qui lui devenait familier et qui la dominait, elle descendit, rayonnante de gaieté, pour recevoir son mari, et se mit à parler sans savoir ce qu’elle disait.

« Que c’est aimable à vous ! dit-elle en tendant la main à Karénine, tandis qu’elle souriait à Studine comme à un familier de la maison.

— J’espère que tu restes ici cette nuit ? (le démon du mensonge lui soufflait ces mots) ; nous irons ensemble aux courses, n’est-ce pas ? Quel dommage que je me sois engagée avec Betsy, qui doit venir me chercher ! »

Alexis Alexandrovitch fit une légère grimace à ce nom.

« Oh ! je ne séparerai pas les inséparables, dit-il d’un ton railleur, nous irons à nous deux Michel Wassiliévitch. Le docteur m’a recommandé l’exercice ; je ferai une partie de la route à pied, et me croirai encore aux eaux.

— Mais rien ne presse, dit Anna ; voulez-vous du thé ? »

Elle sonna.

« Servez le thé et prévenez Serge qu’Alexis Alexandrovitch est arrivé.