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son visage s’illumina d’un sourire heureux, quoique mélancolique, et découvrit des dents grandes mais belles.

« Je le désirais depuis longtemps aussi, dit-elle.

— Mais vous êtes si occupée…

— Moi ? au contraire, je n’ai rien à faire », répondit Varinka. Mais au même instant deux petites Russes, filles d’un malade, accoururent vers elle.

« Varinka ! maman nous appelle ! » crièrent-elles.

Et Varinka les suivit.


CHAPITRE XXXII


Voici ce que la princesse avait appris du passé de Varinka et de ses relations avec Mme Stahl. Celle-ci, une femme maladive et exaltée, que les uns accusaient d’avoir fait le tourment de la vie de son mari par son inconduite, tandis que d’autres accusaient son mari de l’avoir rendue malheureuse, avait, après s’être séparée de ce mari, mis au monde un enfant qui était mort aussitôt né. La famille de Mme Stahl, connaissant sa sensibilité, et craignant que cette nouvelle ne la tuât, avait substitué à l’enfant mort la fille d’un cuisinier de la cour, née la même nuit, dans la même maison à Pétersbourg : c’était Varinka. Mme Stahl apprit par la suite que la petite n’était pas sa fille, mais continua à s’en occuper, d’autant plus que la mort des