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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/409

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cafetière, du pain, du beurre, du fromage et du gibier froid ; elle distribuait les tasses et les tartines, tandis que le prince, à l’autre bout de la table, mangeait de bon appétit en causant gaiement. Il avait étalé autour de lui toutes ses emplettes de boîtes sculptées, couteaux à papier, jeux de honchets, etc., rapportés de toutes les eaux d’où il revenait, et il s’amusait à distribuer ces objets à chacun, sans oublier Lischen, la servante et le maître de la maison. Il tenait à celui-ci les discours les plus comiques dans son mauvais allemand, et lui assurait que ce n’étaient pas les eaux qui avaient guéri Kitty, mais bien son excellente cuisine, et notamment ses potages aux pruneaux. La princesse plaisantait son mari sur ses manies russes, mais jamais, depuis qu’elle était aux eaux, elle n’avait été si gaie et si animée. Le colonel souriait comme toujours des plaisanteries du prince, mais il était de l’avis de la princesse quant à la question européenne, qu’il s’imaginait étudier avec soin. La bonne Marie Evguénievna riait aux larmes, et Varinka elle-même, au grand étonnement de Kitty, était gagnée par la gaieté générale.

Kitty ne pouvait se défendre d’une certaine agitation intérieure ; sans le vouloir, son père avait posé devant elle un problème qu’elle ne pouvait résoudre, en jugeant, comme il l’avait fait, ses amis et cette vie nouvelle qui lui offrait tant d’attraits. À ce problème se joignait pour elle celui du changement de relations avec les Pétrof, qui lui avait paru