Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/411

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dans le couloir. Le matin, à peine levé, il faut m’habiller et aller boire au salon un thé exécrable. Ce n’est pas comme chez nous ! Là nous avons le droit de nous éveiller à notre heure ; si nous sommes de mauvaise humeur, nous avons celui de grogner ; on a temps pour tout, et l’on pèse ses petites affaires sans hâte inutile.

— Mais le temps, c’est l’argent, n’oubliez pas cela, dit le colonel.

— Cela dépend : il y a des mois entiers qu’on donnerait pour 50 kopecks, et des quarts d’heure qu’on ne céderait pour aucun trésor. Est-ce vrai, Katinka ? Mais pourquoi parais-tu ennuyée ?

— Je n’ai rien, papa.

— Où allez-vous ? restez encore un peu, dit le prince en s’adressant à Varinka.

— Il faut que je rentre », dit Varinka prise d’un nouvel accès de gaieté. Quand elle se fut calmée, elle prit congé de la société et chercha son chapeau.

Kitty la suivit, Varinka elle-même lui semblait changée ; elle n’était pas moins bonne, mais elle était autre qu’elle ne l’avait imaginée.

« Il y a longtemps que je n’ai autant ri, » dit Varinka en cherchant son ombrelle et son sac. Que votre père est charmant ! »

Kitty se tut.

« Quand nous reverrons-nous ? demanda Varinka.

— Maman voulait entrer chez les Pétrof. Y serez-vous ? demanda Kitty pour scruter la pensée de son amie.