Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/70

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à son sourire, le transportait dans un monde enchanté où il se sentait apaisé, adouci, avec les bons sentiments de sa première enfance.

« Depuis quand êtes-vous ici ? demanda-t-elle en lui tendant la main. Merci, ajouta-t-elle en lui voyant ramasser le mouchoir tombé de son manchon.

— Moi ? je suis arrivé depuis peu, hier, c’est-à-dire aujourd’hui, répondit Levine, si ému qu’il n’avait pas bien compris la question. Je voulais venir chez vous, — dit-il, et, se rappelant aussitôt dans quelle intention, il rougit et se troubla. — Je ne savais pas que vous patiniez, et si bien. »

Elle le regarda avec attention, comme pour deviner la cause de son embarras.

« Votre éloge est précieux. Il s’est conservé ici une tradition sur vos talents de patineur, — dit-elle en secouant de sa petite main gantée de noir les aiguilles de pin tombées sur son manchon.

— Oui, j’ai patiné autrefois avec passion ; je voulais arriver à la perfection.

— Il me semble que vous faites tout avec passion, dit-elle en souriant. Je voudrais tant vous voir patiner. Mettez donc des patins, nous patinerons ensemble. »

« Patiner ensemble ! est-il possible ! » pensa-t-il en la regardant.

« Je vais les mettre tout de suite », dit-il.

Et il courut chercher des patins.

« Il y a longtemps, monsieur, que vous n’êtes