Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/164

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table accès de désespoir ; il ne pouvait pas rechercher les relations russes ou indigènes, et, quant aux curiosités du pays, outre qu’il les connaissait déjà, il n’y attachait pas, en qualité de Russe et d’homme d’esprit, l’importance excessive d’un Anglais.

Comme un animal affamé se précipite sur la nourriture qui lui tombe sous la dent, Wronsky se jetait donc inconsciemment sur tout ce qui pouvait lui servir de pâture, politique, peinture, livres nouveaux.

Il avait, dans sa jeunesse, montré des dispositions pour la peinture, et, ne sachant que faire de son argent, s’était composé une collection de gravures. Ce fut à l’idée de peindre qu’il s’arrêta, afin de donner un aliment à son activité. Le goût ne lui manquait pas, et il y joignait un don d’imitation qu’il confondait avec des facultés artistiques. Tous les genres lui étaient bons : peinture historique ou religieuse, paysage, il se croyait capable de tout aborder. Il ne recherchait pas l’inspiration directement dans la vie, dans la nature, car il ne comprenait l’une et l’autre qu’entrevues à travers les incarnations de l’art, mais il exécutait assez facilement des pastiches passables. L’école française, dans ses œuvres gracieuses et décoratives, exerçant sur lui une certaine séduction, il commença un portrait d’Anna dans ce goût. Elle portait le costume italien, et tous ceux qui virent ce portrait en parurent aussi contents que l’auteur lui-même.