Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/290

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de ces innovations et se sentant maudite en conséquence, surveillait du coin de l’œil les mouvements de la ménagère, sans cesser de causer avec ses filles d’un air indifférent. La conversation des trois femmes tomba sur Warinka, et Kitty, pour n’être pas comprise d’Agathe Mikhaïlovna, exprima en français l’espoir d’apprendre que Serge Ivanitch s’était déclaré.

« Qu’en pensez-vous, maman ?

— Je pense que ton beau-frère a le droit de prétendre aux meilleurs partis de la Russie, quoiqu’il ne soit plus de la première jeunesse ; quant à elle, c’est une personne excellente…

— Mais songez donc, maman, que Serge, avec sa situation dans le monde, n’a aucun besoin d’épouser une femme à cause de ses relations ou de sa fortune ; ce qu’il lui faut, c’est une jeune fille douce, intelligente, aimante… Oh ! ce serait si bien ! quand ils vont rentrer de leur promenade, je lirai tout dans leurs yeux ! Qu’en dis-tu, Dolly ?

— Ne t’agite donc pas ainsi, cela ne te vaut rien, reprit la princesse.

— Maman, comment papa vous a-t-il demandée en mariage ? dit tout à coup Kitty, fière, en sa qualité de femme mariée, de pouvoir aborder ces sujets importants avec sa mère comme avec une égale.

— Mais très simplement, répondit la princesse dont le visage s’illumina à ce souvenir.

— Vous l’aimiez avant qu’il se fût déclaré ?

— Certainement. Tu crois donc que vous avez