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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/342

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berez dans l’avenue qui y mène. Mais qui demandez-vous ? le comte lui-même ?

— Sont-ils chez eux ? mon ami, dit Dolly ne sachant trop comment demander Anna.

— Ils doivent y être, car il arrive du monde tous les jours, dit le vieux, désireux de prolonger la conversation. Et vous autres, qui êtes-vous ?

— Nous venons de loin, fit le cocher ; ainsi nous approchons ? »

À peine allait-il repartir que des voix crièrent :

« Arrête, arrête ; les voici eux-mêmes. » On voyait quatre cavaliers et un tilbury débouchant sur la route.

C’était Wronsky, Anna, Weslowsky et un groom à cheval ; la princesse Barbe et Swiagesky suivaient en voiture ; ils étaient tous venus pour voir fonctionner une moissonneuse à vapeur.

Anna, sa jolie tête coiffée d’un chapeau d’homme, d’où s’échappaient les mèches frisées de ses cheveux noirs, montait avec aisance un cob anglais. Dolly, d’abord scandalisée de la voir à cheval, parce qu’elle y attachait une idée de coquetterie peu convenable dans une situation fausse, fut si frappée de la parfaite simplicité de son amie, que ses préventions s’évanouirent. Weslowsky accompagnait Anna sur un cheval de cavalerie plein de feu ; Dolly, en le voyant, ne put réprimer un sourire. Wronsky les suivait sur un pur sang bai foncé, et le groom fermait la marche.

Le visage d’Anna s’illumina en reconnaissant la petite personne blottie dans un coin de la vieille