Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/54

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Qui cela peut-il être ? » C’étaient quatre bons chevaux avec des grelots. Et tout à coup, comme un éclair, vous passez devant moi. Je vous vois à la portière : vous étiez assise, comme cela, tenant à deux mains les rubans de votre coiffure de voyage, et vous sembliez plongée dans de profondes réflexions. Combien j’aurais voulu savoir, ajouta-t-il en souriant, à quoi vous pensiez ! Était-ce quelque chose de bien important ? »

« Pourvu que je n’aie pas été décoiffée ! » pensa Kitty. Mais, en voyant le sourire enthousiaste qui faisait rayonner Levine, elle se rassura sur l’impression qu’elle avait produite, et répondit en rougissant et riant gaiement :

« Je n’en sais vraiment plus rien.

— Comme Tourovtzine rit de bon cœur ! dit Levine admirant la gaieté de ce gros garçon, dont les yeux étaient humides et le corps soulevé par le rire.

— Le connaissez-vous depuis longtemps ? demanda Kitty.

— Qui ne le connaît !

— Et vous n’en pensez rien de bon ?

— C’est trop dire ; mais il n’a pas grande valeur.

— Voilà une opinion injuste que je vous prie de rétracter, dit Kitty. Moi aussi je l’ai autrefois mal jugé ; mais c’est un être excellent, un cœur d’or.

— Comment avez-vous fait pour apprécier son cœur ?

— Nous sommes de très bons amis. L’hiver dernier, peu de temps après…, après que vous avez cessé de venir nous voir, dit-elle d’un air un peu