Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/88

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laissa faire sans résistance, regardant toujours devant elle, de ses yeux brillants.

« Rappelle-toi que je n’ai demandé que ton pardon, je ne demande rien de plus ; pourquoi donc lui ne vient-il pas ? dit-elle vivement en regardant du côté de la porte : Viens, viens ! donne-lui la main. »

Wronsky s’approcha du lit, et, en revoyant Anna, il se cacha le visage de ses mains.

« Découvre ton visage, regarde-le, c’est un saint ! dit-elle. Oui, découvre, découvre ton visage ! répéta-t-elle d’un air irrité. Alexis Alexandrovitch, découvre-lui le visage, je veux le voir. »

Alexis Alexandrovitch prit les mains de Wronsky, et découvrit son visage défiguré par la souffrance et l’humiliation.

« Donne-lui la main, pardonne-lui. »

Alexis Alexandrovitch tendit la main sans chercher à retenir ses larmes.

« Dieu merci, Dieu merci, dit-elle, maintenant tout est prêt. J’étendrai un peu les jambes, comme cela ; c’est très bien. Que ces fleurs sont donc laides, elles ne ressemblent pas à des violettes, dit-elle en désignant les tentures de sa chambre. Mon Dieu, mon Dieu, quand cela finira-t-il ! Donnez-moi de la morphine, docteur ! de la morphine. Oh, mon Dieu, mon Dieu ! »

Et elle s’agita sur son lit.

Les médecins disaient qu’avec cette fièvre tout était à craindre. La journée se passa dans le délire et l’inconscience. Vers minuit la malade n’avait presque