Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/90

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l’opportunité de dévoiler toute sa pensée « … mais je l’ai revue, je lui ai pardonné, et sans restriction. Le bonheur de pouvoir pardonner m’a clairement montré mon devoir. J’offre l’autre joue au soufflet, je donne mon dernier vêtement à celui qui me dépouille, je ne demande qu’une chose à Dieu, de me conserver la joie du pardon ! »

Les larmes remplissaient ses yeux : son regard lumineux et calme frappa Wronsky.

« Voilà ma situation. Vous pouvez me traîner dans la boue et me rendre la risée du monde, mais je n’abandonnerais pas Anna pour cela, et ne lui adresserais pas de reproche, continua Alexis Alexandrovitch ; mon devoir m’apparaît clair et précis : je dois rester avec elle, je resterai. Si elle désire vous voir, vous serez averti, mais je crois qu’il vaut mieux vous éloigner pour le moment. »

Karénine se leva ; des sanglots étouffaient sa voix : Wronsky se leva aussi, courbé en deux, et regardant Karénine en dessous, sans se redresser ; incapable de comprendre des sentiments de ce genre, il s’avouait cependant que c’était là un ordre d’idées supérieur, inconciliable avec une conception vulgaire de la vie.


CHAPITRE XVIII


Après cet entretien, lorsque Wronsky sortit de la maison Karénine, il s’arrêta sur le perron, se demandant où il était et ce qu’il avait à faire ; humilié