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Page:Tolstoï - Ce qu’il faut faire.djvu/65

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plus lourde que lui. La fille charge sur ses épaules un paquet de foin, aussi plus lourd qu’elle, fait quelques pas, s’arrête et le laisse tomber, trop faible pour le porter. La vieille de cinquante ans râtelle infatigablement, puis, son châle descendu sur le côté, porte du foin en soufflant péniblement et en chancelant. La vieille de quatre-vingts ans ne fait que râteler, mais cela même excède ses forces : elle traîne lentement ses jambes chaussées de lapti[1], et, le visage renfrogné, l’air sombre, regarde devant elle comme un malade condamné, ou un homme qui va mourir. Le vieillard l’envoie à dessein, à l’écart des autres, râteler tout près des meules, pour qu’elle ait moins à faire ; mais elle ne s’interrompt jamais, et, avec le même visage mort et sombre, elle travaille tant que les autres travaillent.

  1. Chaussures de tille, à l’usage des moujiks.