Page:Tolstoï - Correspondance inédite.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivons et nous cherchons le bonheur. Nous nous disons : je n’aurais pu avoir le bien, être heureux, que dans le cas où tous les autres êtres m’aimeraient plus qu’ils ne s’aiment eux-mêmes. C’est une chose impossible. Mais malgré cela, nous vivons tous ; et toute notre activité, notre recherche de la fortune, de la gloire, du pouvoir, ne sont que des tentatives de se faire aimer par les autres plus qu’ils ne s’aiment eux-mêmes. La fortune, la gloire, le pouvoir nous donnent des semblants de cet état de choses ; et nous sommes presque contents, nous oublions par moments que ce n’est qu’un semblant, mais non la réalité. Tous les êtres s’aiment eux-mêmes plus qu’ils ne nous aiment et le bonheur est impossible. Il y a des gens — et leur nombre augmente de jour en jour — qui, ne pouvant résoudre cette difficulté, se brûlent la cervelle, en se disant que la vie n’est qu’une tromperie.

Et cependant, la solution du problème est plus que simple, et s’impose de soi-même. Je ne peux être heureux que s’il existe dans ce monde un ordre tel que tous les êtres aiment