Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/103

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comment elles s’accrochaient à leurs pères, à leurs maris, à leurs fils, et se traînaient à leur cou en sanglotant désespérément ! Moi, en général, je me domine, je retiens mes sentiments, mais c’était plus fort que moi ; j’ai pleuré aussi… » [Dans le langage des journaux, cela s’exprime ainsi : « L’élan du patriotisme est inouï…] « Avec quoi mesurer cette douleur immense qui va se répandre sur un tiers du monde entier ? Et nous, nous sommes maintenant de la chair à canon, que bientôt on donnera en sacrifice au Dieu de la vengeance et de l’horreur ! »


Cet homme ne croit pas encore suffisamment qu’il est moins terrible de perdre le corps que de perdre le corps et l’âme, c’est pourquoi il ne peut refuser de servir. Mais en quittant sa famille, il promet d’avance que par lui, pas une seule famille japonaise ne sera orpheline. Il croit à la loi divine principale, la loi de toutes les religions : « Agis envers les autres comme tu voudrais qu’on agit envers toi. » Et en notre temps, non seulement dans le monde chrétien, mais aussi dans le monde bouddhiste, mahométan, brahmiste, etc., il y a des milliers, des milliers de pareils hommes.

Il y a de vrais héros — pas ceux qu’on honore maintenant, parce que, voulant tuer les autres, ils n’ont pas été tués eux-mêmes —