Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/225

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travail n’avance que si la pioche est affûtée. Mais ici la comparaison n’est pas complète. Éclairer et améliorer les autres, comme je l’ai déjà dit, ne se fait qu’en s’éclairant et s’améliorant soi-même.

Je ne dis pas que ce que vous faites au service militaire en apprenant aux soldats à lire et à écrire, etc., soit mal. C’est évidemment mieux que de leur apprendre le mensonge, la cruauté, ou de les battre, mais ce qui est mal de votre part, c’est que, sachant le mal et le mensonge du service militaire, avec ses tromperies, son serment, sa discipline, vous continuiez à servir. Et ce qui est mauvais, ce n’est pas le fait lui-même que vous servez, mais plutôt les raisonnements que vous faites pour prouver qu’en continuant de servir vous faites bien.

Je comprends qu’à cause de vos parents, de votre passé, de votre faiblesse, vous puissiez ne pas avoir la force de faire ce que vous croyez nécessaire : quitter le service militaire. Nous tous, selon nos faiblesses, nous nous éloignons plus ou moins de cet idéal, de cette vérité que nous connaissons, mais il est important de ne pas déformer la vérité, de savoir qu’on s’en est éloigné, qu’on est un pécheur, un méchant, et d’aspirer sans cesse vers elle, d’être prêt à écouter sa voix, à n’importe quel moment, dès que les obstacles faibliront.