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Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/349

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de mille Russes et menace d’en tuer et d’en mutiler encore autant ; elle a ruiné non seulement les hommes de cette génération, mais ceux de la génération future, qu’elle accable d’impôts énormes, sous la forme de dette, et elle perd les âmes des hommes qu’elle déprave. Ce qui s’est passé à Saint-Pétersbourg le 9 janvier[1], n’est rien en comparaison de ce qui se fait là-bas. Là-bas, à la guerre, on tue et mutile cent fois plus d’hommes qu’il en a péri le 9 janvier, à Saint-Pétersbourg. Et la perte de ces hommes, là-bas, non seulement ne révolte pas la société, comme les massacres de Saint-Pétersbourg, mais la plupart envisagent avec indifférence, d’autres avec compassion, ce fait que des milliers d’hommes sont de nouveau chassés là-bas, pour la même tuerie insensée et sans but.

Ce mal est horrible ! Si donc l’on parle des maux du peuple russe, il faut parler de la guerre ; les événements de Saint-Pétersbourg ne sont qu’une circonstance accessoire qui accompagne le mal profond, et s’il faut chercher le moyen de le délivrer de ses maux, il faut le trouver tel, qu’il le délivre des deux à la fois.

Le changement de la forme despotique du gouvernement en forme constitutionnelle ou républicaine ne délivrera la Russie ni de l’un

  1. Le 22 janvier selon le calendrier actuel. Voir Dimanche rouge.