Page:Tolstoï - Guerre et Paix, Hachette, 1901, tome 3.djvu/43

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prince d’Eckmühl, ayant émis l’opinion qu’il fallait tourner le flanc gauche des Russes, il lui répondit, sans lui en expliquer la raison, que c’était inutile. En revanche, il approuva le projet du général Compans, qui consistait à attaquer les ouvrages avancés et à faire passer les divisions par le bois, quoique Ney, duc d’Elchingen, se permît de faire observer qu’un mouvement à travers la forêt pouvait être dangereux, et mettre le désordre dans les rangs. En examinant l’endroit qui faisait face à la redoute de Schevardino, il réfléchit quelques secondes en silence, et indiqua les places où devaient s’élever pour le lendemain deux batteries, destinées à contre-battre les redoutes des Russes, et aussi la position que devait occuper l’artillerie de campagne. Après avoir donné ses instructions, il retourna à son bivouac et dicta les dispositions pour l’ordre de bataille.

Ces dispositions, qui ont provoqué un enthousiasme sans bornes chez les historiens français et une approbation unanime chez les étrangers, étaient conçues en ces termes :

« Deux nouvelles batteries, élevées pendant la nuit dans la plaine occupée par le prince d’Eckmühl, ouvriront, au petit jour, le feu contre les deux batteries ennemies leur faisant face.

« Le chef de l’artillerie du 1er corps, général Pernetti, se portera alors en avant avec 30 canons de la division Compans et tous les obusiers des divisions Desaix et Friant ; il ouvrira le feu, et lancera ses obus sur la batterie ennemie, attaquée par :


Canons de l’artillerie de la garde 
 24 pièces.
Canons de la division Compans 
 30 pièces.
Canons des divisions Desaix et Friant 
 8 pièces.
—————
Total 
 62 pièces.


« Le chef de l’artillerie du 3e corps, général Fouché, placera tous les obusiers des 3e et 8e corps, 16 pièces en tout, sur les flancs de la batterie destinée à canonner la fortification gauche, ce qui réunira contre elle 40 bouches à feu.

« Le général Sorbier se tiendra prêt à se porter en avant au premier signal avec tous les obusiers de l’artillerie de la garde, contre l’une ou l’autre des fortifications.

« Pendant la canonnade, le prince Poniatowsky se dirigera vers le village dans la forêt et tournera la position ennemie.

« Le général Compans traversera la forêt pour s’emparer du premier retranchement.