Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/170

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Schamyl ouvrit les yeux, puis en les clignant, dit :

— Amenez-moi le fils de Hadji Mourad.

— Il est ici, dit Djemal Edip.

En effet, Ioussouf, le fils de Hadji Mourad, maigre, pâle, déguenillé, puant, mais toujours beau de corps et de visage, avec les mêmes yeux brûlants que sa grand’mère Patimate, se trouvait déjà dans la cour extérieure en attendant qu’on l’appelât.

Ioussouf ne partageait pas les sentiments de son père envers Schamyl. Il ne connaissait pas tout le passé, ou, s’il le connaissait, ne l’ayant pas vécu, il ne comprenait pas pourquoi son père montrait une hostilité si persévérante envers Schamyl. Pour lui qui ne désirait qu’une chose : continuer à mener cette vie facile, large, qu’étant fils de Naïb il menait à Khounzakh, il était tout à fait inutile d’être ainsi l’ennemi juré de Schamyl. Contrairement à son père, il admirait particulièrement Schamyl, et avait pour lui ce culte enthousiaste, si répandu dans les montagnes.

Maintenant, c’était avec un sentiment d’adoration craintive pour l’Iman qu’il entrait dans la chambre. Il s’arrêta près de la porte, et ses yeux rencontrèrent le regard obstiné des yeux clignotants de Schamyl ; il resta un moment immobile, ensuite s’approcha de Schamyl et baisa sa grande main blanche aux longs doigts.

— Tu es le fils de Hadji Mourad ?

— Oui, Iman.

— Tu sais ce qu’il a fait ?

— Je le sais, Iman, et le regrette.