Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/18

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Hadji Mourad salua le nouveau venu, et aussitôt, sans paroles inutiles, lui dit :

— Peux-tu conduire mon muride chez les Russes ?

— Parfaitement, répondit gaîment Bata. On peut tout faire. Aucun Tchetchenz ne peut rivaliser avec moi. Un autre se chargera, promettra tout et ne fera rien. Mais avec moi ce sera fait.

— C’est bon, dit Hadji Mourad. Pour ta peine, tu recevras trois… – Il lui montra trois doigts. Bata hocha la tête pour indiquer qu’il avait compris ; mais il ajouta que ce n’était pas l’argent qui le tentait, qu’il était prêt à servir Hadji Mourad rien que pour l’honneur.

— Tous, dans les montagnes, savent comment Hadji Mourad a tué ces cochons de Russes !

— C’est bon, fit Hadji Mourad. La corde est bonne quand elle est longue, et le discours quand il est bref.

— Eh bien, je me tairai, dit Bata.

— Tu connais l’endroit où l’Argouna tourne en face du précipice, là-bas, dans la forêt, il y a une clairière où se trouvent deux meules. Tu connais ?

— Oui, je connais.

— Là-bas, trois de mes amis m’attendent, sur des chevaux, dit Hadji Mourad.

— Aya ! fit Bata en hochant la tête.

— Tu demanderas Khan-Magom. Khan-Magom sait ce qu’il faut faire et dire. Il faudra le conduire au chef russe, au prince Vorontzoff. Tu le pourras ?

— Je le pourrai.