Pour Vorontzoff, pour les autorités de Pétersbourg, ainsi que pour la majorité des Russes qui connaissaient l’histoire de Hadji Mourad, cet événement paraissait une circonstance heureuse dans la guerre du Caucase, ou, tout simplement, un cas intéressant. Mais pour Hadji Mourad, c’était, les derniers temps surtout, un terrible tournant de sa vie. Il s’était enfui des montagnes, d’une part pour sauver sa vie, d’autre part par haine pour Schamyl ; quelque difficulté qu’ait présenté cette fuite, il était parvenu à l’opérer, et, les premiers temps, il se réjouissait de ce résultat, et méditait un plan pour attaquer Schamyl. Mais il résultait que le salut de sa famille, qu’il croyait facile à réaliser, présentait des difficultés qu’il n’avait pas soupçonnées. Schamyl s’était saisi de sa famille, la tenait en captivité, et menaçait d’envoyer les femmes en différents aouls et de crever les yeux de son fils ou de le tuer. Maintenant, Hadji Mourad allait à Noukha avec l’intention d’essayer, avec l’aide de ses partisans du Daghestan, d’arracher sa famille, par ruse ou par force, des mains de Schamyl. Les derniers émissaires qu’il reçut à Noukha lui apprirent que les Abazes, qui lui étaient dévoués, se préparaient à enlever sa famille et à la conduire chez les Russes, mais comme ils étaient trop peu nombreux pour cette entreprise ils ne pouvaient la risquer tant que la famille de Hadji Mourad serait en captivité à Vedene ; ils attendraient pour cela que la famille fut transportée à un autre endroit.