Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/261

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me sens pas plus à l’aise. Je me rappelle avoir vu battre devant moi un enfant ; je me rappelle ses cris et le visage terrible qu’avait Foka, pendant qu’il le frappait. « Ah ! tu ne le feras plus ! Tu ne le feras plus ! » disait-il en continuant à frapper. L’enfant disait : « Je ne le ferai plus ! » Et lui continuait à le battre en répétant : « Tu ne le feras plus ! » Une sorte de folie m’envahit. Je me mis à sangloter, à sangloter, et, pendant longtemps, personne ne pouvait me calmer.

Eh bien, ces sanglots, ces désespoirs, étaient les premières manifestations de ma folie actuelle.

Je me souviens qu’une autre fois cela me prit en écoutant ce que ma tante nous racontait du Christ. Elle parlait et voulait s’en aller. Nous lui avons dit :

— Raconte encore quelque chose de Jésus-Christ.

— Non, maintenant je n’ai plus le temps.

— Si, raconte.

Mitia lui demandait aussi de raconter, et la tante se mit à nous répéter ce qu’elle nous avait déjà dit. Elle raconta qu’on l’avait tourmenté, battu, crucifié, et que lui continuait à prier et leur pardonnait.

— Tante, pourquoi donc l’a-t-on tourmenté ?

— C’étaient des hommes méchants.

— Mais lui, il était bon…

— Eh bien, assez ; il est huit heures passées, vous entendez ?

— Pourquoi l’ont-ils battu ? Il avait pardonné,