Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’en aller, se débarrasser de tout cela, examiner ce qui se passait dans son âme, fumer et boire. Il avait une envie terrible de fumer et de boire. Enfin il obtint ce qu’il voulait : il gagna le large, alluma une cigarette et but.


Avec Alec et Rina, il était arrivé autre chose. Ils n’attendaient aucun cadeau et marchaient dans la foule qui s’amassait, en parlant aux femmes, aux enfants, quand, tout à coup, le peuple s’était rué vers les tentes où, disait-on, les employés distribuaient des cadeaux autres que ceux officiellement promis.

Rina n’eut pas le temps de se retourner qu’elle était séparée d’Alec et entraînée dans la foule. L’horreur la saisit. Elle voulut se maîtriser, mais, n’y parvenant pas, elle se mit à crier, à demander grâce ; mais il n’y avait point de grâce à attendre. On la pressait de plus en plus, sa robe était déchirée, son chapeau arraché. Elle n’aurait pu l’affirmer, mais il lui sembla qu’on lui avait arraché sa montre et sa chaîne. Elle était très forte et aurait pu résister, mais l’état d’angoisse dans lequel elle se trouvait était si épouvantable qu’elle ne pouvait pas respirer. Déchirée, pressée de tous côtés, elle tenait bon quand même, mais, quand les cosaques chargèrent la foule pour la disperser, son désespoir devint tel que ses forces l’abandonnèrent, et elle s’évanouit. Elle tomba et ne se rappela rien de plus.