Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/36

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gardien de l’arsenal. Rentré à la maison, il s’était mis à réfléchir à sa vie, la comparant à celle d’Ivan Matvéievitch (le gardien de l’arsenal). Ivan Matvéievitch avait des revenus, était marié et dans un an prendrait sa retraite.

Vavilo, lui, étant encore enfant avait été pris pour le service des maîtres, et maintenant il avait déjà plus de quarante ans, n’était pas marié, et vivait de la vie de camp avec son maître désordonné. Le maître était bon, ne le battait pas trop, mais quelle vie était-ce ? Il lui avait bien promis de l’affranchir à son retour du Caucase. « Mais où irai-je avec ma liberté ? C’est une vie de chien ! » pensait Vavilo. Et il s’était senti une telle envie de dormir que, craignant qu’on ne vînt voler pendant son sommeil, il avait d’abord poussé le verrou et s’était endormi.

Poltoradski entra dans la chambre qu’il partageait avec son camarade Tikhonoff.

— Eh bien ! Tu as perdu ? lui demanda Tikhonoff qui s’éveilla.

— Non. J’ai gagné dix-sept roubles, et nous avons bu une bouteille de Cliquot.

— Et tu as mangé des yeux Marie Vassilievna ?

— Oui, j’ai regardé Marie Vassilievna, dit Poltoradski.

— Il va falloir se lever bientôt, dit Tikhonoff. Notre compagnie sort à six heures.

— Vavilo ! cria Poltoradski, aie bien soin de m’éveiller à cinq heures !

— Comment vous éveiller quand vous me battez !