Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/50

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avec sa compagnie et ordonna de tirer, aussitôt l’ordre transmis, sur toute la ligne du cordon s’entendit le cliquetis ininterrompu, gai, des fusils, accompagné de fumée qui se dispersait gracieusement. Les soldats, heureux de la distraction, chargeaient rapidement leurs armes et lançaient balles sur balles. Évidemment les Tchetchenz sentirent la provocation, et irrités, bondissant l’un après l’autre, à leur tour ils firent feu sur les soldats. L’un de ceux-ci fut blessé. C’était ce même Avdeieff qui avait été envoyé au guet. Quand ses camarades s’approchèrent de lui, il était couché sur le ventre, tenant à deux mains sa blessure, et, se secouant d’un mouvement régulier, il gémissait doucement.

— Je commençais juste à charger mon fusil, j’entendis claquer quelque chose, tic… disait le soldat qui était dans le rang à côté d’Avdeieff. — Je regarde et il laisse tomber son fusil…

Avdeieff appartenait à la compagnie de Poltoradski. Ayant remarqué le groupe qui s’était formé autour d’Avdeieff, Poltoradski s’approcha.

— Quoi ! frère ! Tu as reçu le baptême du feu ? dit-il. Où ?

Avdeieff ne répondit pas.

— Je commençais juste à charger mon fusil… J’entends claquer quelque chose… tic… Je regarde, il laisse tomber son fusil… répéta le soldat qui était dans le rang à côté d’Avdeieff.

— Ta ta… claqua de la langue Poltoradski. — Eh quoi, Avdeieff, ça te fait mal ?