Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/72

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qui en avait. Akim avait quatre enfants, Piotr n’en avait pas. Mais Piotr était un travailleur aussi bon que le vieux, habile, intelligent, fort, patient, laborieux. Il travaillait toujours. S’il passait devant des gens en train de travailler, il faisait comme le vieux, il leur donnait un coup de main : il fauchait deux rangées, ou ramassait le fumier, ou coupait un arbre, ou fendait du bois. Le vieux s’apitoyait sur lui, mais il n’y avait rien à faire. Le service militaire, c’était comme la mort. Un soldat c’était un membre retranché, et il ne fallait pas se le rappeler, raviver la vieille blessure. Aussi n’était-ce que très rarement, pour faire des reproches au fils aîné, comme aujourd’hui, que le vieux pensait à Piotr. Mais la mère se rappelait souvent son fils cadet, et depuis longtemps, depuis deux ans, elle demandait au vieux de lui envoyer de l’argent. Mais le vieux faisait la sourde oreille.

La famille des Kourenkoff était à son aise, et le vieux avait de l’argent caché quelque part, mais pour rien au monde il ne se serait décidé à toucher ses économies. Mais ce jour, quand la vieille entendit qu’il parlait du fils cadet, elle résolut de lui demander de nouveau d’envoyer à son fils au moins un rouble, quand on vendrait l’avoine. C’est ce qu’elle fit. Quand elle se trouva seule avec le vieux, après que les jeunes gens furent partis à la corvée, elle arracha à son mari la promesse d’envoyer un rouble à Piotr sur l’argent de l’avoine. Conséquemment, quand