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HADJI MOURAD



POUR rentrer à la maison, j’avais pris par les champs. On était en plein milieu de l’été. Déjà l’herbe était fauchée et l’on se préparait à couper le seigle. À cette époque de l’année, il y a une merveilleuse variété de fleurs : celles rouges, blanches, parfumées, duvetées des trèfles ; les blanches marguerites au cœur jaune vif ; la campanule jaune, à l’odeur agréable et épicée ; avec leur senteur de miel, leur haute tige grimpante, les pois, violets et blancs ; les scabieuses jaunes, rouges, roses ; le plantain lilas, au duvet légèrement rosé, au subtil et agréable parfum ; les bluets bleu vif au soleil et quand ils sont récemment éclos, bleu rougeâtre le soir et quand ils sont à leur déclin ; et les fleurs fragiles, éphémères, à l’odeur d’amande, de la cuscute.

J’avais cueilli un gros bouquet de ces différentes fleurs et rentrais chez moi, quand je remarquai dans le fossé une magnifique bardane violette, en pleine floraison, une de ces bardanes qu’on appelle chez nous « tatare », que le faucheur coupe avec soin, et qu’on rejette du foin, pour ne pas se piquer les mains, si elle a été fauchée par hasard.