Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Khans. Je faisais ce que je voulais, et j’étais devenu riche, j’avais des chevaux, des armes, de l’argent. Je vivais pour mon plaisir et ne pensais à rien. Et je vécus ainsi jusqu’au jour où l’on tua Khaza-Mullah, et que Gamzat fut nommé à sa place. Gamzat envoya au Khan des émissaires, pour lui dire que, s’il n’acceptait pas le Khazavat, il ruinerait Khazenzak. Il fallait y réfléchir. Mais le Khan avait peur des Russes, il avait peur d’accepter le Khazavat, et la femme du Khan m’envoya avec son second fils, Oulim Khan, à Tiflis, pour demander au principal chef russe l’aide contre Gamzat. Le principal chef était le baron Rozen. Il ne reçut ni moi ni Oulim Khan, et nous fit dire qu’il nous aiderait ; mais il n’en fit rien. Seulement ses officiers commencèrent à venir chez nous, jouèrent aux cartes avec Oulim Khan. Ils lui faisaient boire du vin, le menaient dans de mauvais lieux et lui faisaient perdre aux cartes tout ce qu’il avait. Il était, de corps, fort comme un bœuf et courageux comme un lion, mais, d’âme, il était faible comme l’eau. Il eut perdu ses derniers chevaux et ses armes, si je ne l’avais emmené. Après Tiflis mes idées changèrent, et je commençai à pousser la femme du Khan et les jeunes Khans à accepter le Khazavat.

— Pourquoi tes idées avaient-elles changé ? demanda Loris Melikoff. — Est-ce que les Russes t’avaient déplu ?

Hadji Mourad garda le silence.

— Oui, ils m’avaient déplu, reprit-il résolu-