Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/108

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le diable, je suis simplement une pécheresse perdue, non au figuré, mais très réellement.

Elle se mit à rire.

— Je suis gelée et je vous demande abri.

Il s’approcha de la vitre, où se reflétait la petite lampe et les mains encadrant sa figure, il regarda. Le brouillard, les ténèbres et, là-bas, à droite, elle. Oui, elle. Une femme vêtue d’une pelisse à longs poils se penchait vers lui, son visage tout apeuré semblait bon et beau parmi les cheveux blonds que coiffait un bonnet de fourrure. Leurs yeux se rencontrèrent et se reconnurent. Non qu’ils se fussent déjà rencontrés ; mais dans le regard qu’ils échangèrent, ils comprirent qu’ils se connaissaient et se comprenaient mutuellement. Après ce regard, était-il encore possible de penser qu’on n’avait pas devant soi une femme blonde, douce et timide, tout le contraire d’un diable ?

— Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? demanda-t-il.

— Mais ouvrez donc ! cria-t-elle d’un ton capricieux et autoritaire. Je suis gelée, vous dis-je, et je suis égarée.

— Mais je suis moine, ermite.

— Cela ne vous empêche pas d’ouvrir la porte ! Voulez-vous donc que je gèle devant votre fenêtre pendant que vous allez prier ?

— Mais....

— Je ne veux pas vous manger, j’espère. Laissez-moi entrer, au nom de Dieu ! Je suis gelée, vous dis-je.

Elle commençait à avoir peur et sa dernière phrase fut dite d’une voix pleine de sanglots. Serge quitta