Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/122

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le père Serge reçût tout le monde, le moine du couvent faisait un choix. Une foule de moujiks, de pèlerins et de femmes se pressaient dehors en attendant l’apparition de l’ermite dont ils espéraient la bénédiction. Le saint homme officiait et, quand il sortit, se dirigeant vers le tombeau de son prédécesseur, le bienheureux Hilarion, pour le saluer, il vacilla et serait tombé si le moine et un marchand qui lui avaient servi de diacres ne l’eussent soutenu.

— Qu’avez-vous, petit père ? Qu’avez-vous, Père Serge ? Mon Dieu ! vous êtes devenu blanc comme un linge !

L’ermite, bien que remis de son malaise, mais encore très pâle, repoussa doucement les deux hommes qui le soutenaient et se remit à chanter. Le père Séraphin, le diacre, les chantres et Mme Sophie Ivanovna qui, habitant dans le voisinage, s’était dévouée au service du père Serge, lui demandèrent d’interrompre l’office.

— Ce n’est rien, ce n’est rien, dit-il, souriant à peine dans sa barbe.

« C’est ainsi que font les saints », se dit-il en lui-même.

— Ange divin, saint homme ! entendit-il derrière lui. C’était la voix de Sophie Ivanovna et celle du marchand qui l’avait soutenu.

Mais, n’écoutant pas les objurgations, il continua l’office et tous, en se pressant, passèrent par les étroits corridors pour arriver à la petite chapelle.

Le service terminé, le père Serge bénit les assistants et vint s’asseoir sur un banc au pied de l’orme qui se trouvait à l’entrée de la grotte. Il sentait qu’il avait besoin de se reposer, de respirer l’air pur. Mais,