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Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/124

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— À demain, donc ! Je n’en puis plus aujourd’hui, dit-il, se dirigeant vers la banquette, soutenu par le marchand qui avait pris son bras.

— Père, cria-t-on dans la foule, petit père, ne nous abandonne pas. Nous serions perdus sans toi !

Le marchand, qui venait de faire asseoir le père Serge sous l’orme, prit sur lui de faire la police et s’employa activement à chasser les importuns. Il est vrai qu’il parlait à voix basse et que le père Serge ne pouvait l’entendre, mais ses paroles étaient fermes et même coléreuses.

— Fichez-moi le camp ! Il vous a bénis, que voulez-vous encore ? Partez ou je vous casse la figure. Allons, allons. Toi là-bas, la tante, avec ton mouchoir sale, allons, va-t-en ! Où veux-tu aller ? On t’a dit que c’était fini. Demain, à la volonté de Dieu, mais aujourd’hui, il faut partir.

La vieille femme insistait.

— Oh ! petit père, laissez-moi seulement contempler d’un œil son saint visage.

— Je vais te contempler, moi, attends un peu !

Ayant remarqué que le marchand agissait sévèrement, le père Serge dit à son frère-lai qu’on ne devait pas chasser le peuple. Il savait bien que, malgré tout, ils seraient chassés, mais il intervenait pour faire une bonne impression.

— Bien, bien répondit le marchand. Je ne les chasse pas, je leur explique. Sans pitié, ils sont capables d’achever un homme qui ne pense qu’à eux. Allons ! allez-vous-en ! Demain !

Et il chassa tout le monde.

Le marchand faisait du zèle, car il aimait l’ordre et se plaisait à avoir de l’autorité sur le menu peuple,