Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/13

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On pouvait à peine y circuler ; heureusement le poêle commun formait encore une annexe, sur laquelle venaient se coucher grands et petits. Il y avait aussi le perron, mais on ne pouvait l’utiliser qu’en été. Au mois d’octobre, déjà il faisait trop froid.

Toute la famille n’avait qu’une pelisse pour se vêtir et se couvrir. Il est vrai que les enfants pouvaient se réchauffer en jouant et en courant et les grandes personnes en travaillant. Il y avait un autre moyen de se réchauffer, c’était de grimper sur le poêle où la température atteignait 40 degrés.

Il paraîtrait que la vie dans ces conditions devait être insupportable ; il n’en était rien en réalité.

Akoulina, la femme, nettoyait les enfants, cousait tout ce qu’il leur fallait, filait, tissait, blanchissait la toile, faisait la cuisine sur le grand poêle commun, se querellait et cancanait avec les voisines.

La part mensuelle du seigle que leur donnaient les maîtres était suffisante pour faire tout le pain de la famille et nourrir les poules. Le bois était à discrétion, le fourrage pour les bêtes aussi. On avait un petit morceau de terre pour potager. La vache avait ses petits, les poules, pondaient.

Polikei était attaché à l’écurie. Il avait charge de deux étalons, soignait les chevaux et le bétail ; nettoyait les sabots des chevaux et en cas de besoin les frictionnait avec une pommade de son invention.

Pour tous ses services, il recevait de temps en temps quelque gratification en argent ou en provisions. Il jouissait aussi des restes d’avoine qui lui rendaient bien service, car un paysan dans le village lui fournissait vingt livres de mouton par mois pour deux mesures d’avoine. On aurait pu être heureux, si l’on n’avait pas