Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/137

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ner, se contentant de manger de la soupe et du gruau que Loukierie lui avait apporté.

— Tu es donc venue plutôt que tu avais promis ? dit-il.

— Comment ai-je mérité le bonheur d’une telle visite ? s’exclama-t-elle. J’ai manqué ma leçon. Plus tard… J’avais toujours rêvé d’aller vous voir et je vous ai écrit. Ah ! quel bonheur !

— Pachinka, crois-moi : les paroles que je vais te dire sont comme des paroles que je dirai à Dieu à l’heure de ma mort. Pachinka, je ne suis pas un saint. Je ne suis même pas un homme ordinaire. Je suis un pécheur abominable, égaré et orgueilleux. Je ne sais si je suis le plus mauvais de tous, mais je sais que je suis pire que les mauvais.

La vieille femme le regardait, les yeux largement ouverts. Elle cherchait à croire. Enfin, elle toucha la main de Serge et dit en souriant tristement :

— Tu exagères peut-être, Stéphan ?

— Non, Pachinka, je suis un débauché, un assassin, un fourbe et un blasphémateur.

— Mon Dieu, qu’y a-t-il donc ? murmura Praskovie.

— Mais il faut vivre. Et moi qui croyais tout connaître, qui enseignais aux autres comment ils devaient vivre, je n’en sais rien aujourd’hui et je te demande de me l’apprendre.

— Qu’est-ce que tu dis, Stéphan ? Tu te moques de moi ; pourquoi tous vous moquez-vous toujours de moi ?

— Bien, je me moque de toi. Mais dis-moi comment tu vis et comment tu as vécu.

— Moi, j’ai vécu une vie détestable et maintenant