Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/182

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En 1825, il était allé habiter à la campagne où il employait son temps à l’agriculture, à la chasse, à la lecture, aux lettres qui le mettaient au courant des affaires politiques de sa patrie bien-aimée. Il s’était remarié avec une pauvre et belle jeune fille de petite noblesse et ce mariage était très malheureux. Il n’aimait pas et ne respectait pas sa seconde femme qui semblait lui être à charge et sa façon de la traiter était fâcheuse. On eût dit qu’il la rendait responsable de la faute qu’il avait commise en se mariant une seconde fois.

Du second mariage, il n’avait pas d’enfant, tandis qu’il en avait deux du premier : l’aînée, Wanda, beauté hautaine et fière d’être belle et qui s’ennuyait à la campagne, et la jeune Albine, favorite du père, fillette maigriote aux cheveux clairs et aux grands yeux gris et brillants.

Albine avait quinze ans quand Joseph Migourski vint à Rojanka. Au temps où il était étudiant, il était déjà venu chez les Iatcheski, alors que ceux-ci habitaient Wilna pendant l’hiver. Il avait fait la cour à Wanda. Maintenant grand et libre, c’était la première fois qu’il venait les voir à la campagne et sa visite était particulièrement agréable à tous.

Le vieillard l’aimait parce qu’il lui rappelait son ancien ami tel qu’il était alors que tous deux étaient jeunes. Il l’aimait aussi parce que le jeune homme parlait avec ardeur de son bel espoir d’émancipation qui se développait, non seulement en Pologne, mais aussi à l’étranger.

Mme Iatcheska appréciait cette visite par la tranquillité relative qu’elle lui procurerait, le vieillard n’osant pas devant le monde la réprimander à toute